>>La "coopération" Nord-Sud a marqué ses limites, le creusement des écarts entre pays riches et pays pauvres s'accompagne d'une stagnation des aides publiques au développement (seuls 4 pays européens consacrent plus de 0,7 % de leur PNB à l'aide au développement). Tout en parlant officiellement de coopération, les grandes puissances ne cherchent qu'à "faire des affaires" et "augmenter les profits" ; cette politique s'accompagne généralement d'un langage de type "néocolonial". L’agriculture américaine et toutes les agricultures productivistes sont elles très consommatrices d’énergie, l’agriculture capitaliste (financière) s’est installée en Europe de l’Est. Les exportations européennes en direction des pays du Sud (produits finis, semences, engrais...) ne font que compromettre le développement des productions vivrières locales.
>>>L'accroissement du nombre des mal-nourris n'est pas d'abord dû aux contraintes naturelles, mais à des circonstances politico-économiques qui interdisent aux pays concernés de mettre en œuvre leur capacité agricole propre. La capacité de l'agriculture paysanne traditionnelle à répondre aux besoins alimentaires du pays et à son autosubsistance s’appuie sur l'existence d'une forte biodiversité agricole (semences).
Relocaliser la production agricole
Au niveau local, il faut favoriser le maintien d'une agriculture de proximité destinée en priorité à alimenter les marchés régionaux et nationaux, il faut transformer et commercialiser sur place. Au Sud, les cultures vivrières de subsistance et l'agriculture familiale doivent être privilégiées en maintenant l’emploi agricole, rempart essentiel contre la faim. La restauration de l’autonomie alimentaire est l’enjeu de ces agricultures. Celles-ci doivent produire davantage localement et protéger une agriculture vivrière de proximité plutôt que d’absorber les surplus européens (poulets, lait…) et une aide alimentaire structurelle qui menacent directement les productions africaines. De même, les organisations professionnelles et politiques continuent à miser sur l’idéologie du progrès technique et de l’accroissement de la consommation aggravant ainsi les difficultés dont souffrent les pays du Sud.
>>Pour Marc Dufumier, professeur d'agriculture comparée et
développement agricole à l'Institut National Agronomique Paris-Grignon, les systèmes de culture et d'élevage mis en œuvre aujourd'hui par les paysanneries du Sud ne sont ni " archaïques ", ni condamnés à l'immobilisme. Et l'erreur serait de croire que le développement de l'agriculture dans les divers Tiers mondes devrait désormais suivre inévitablement la voie tracée jusqu'alors par les exploitants des pays du Nord : celle d'une « chimisation » et d'une moto-mécanisation sans cesse accrues. Nombreux sont alors les paysans condamnés à l'exode rural ou aux départs clandestins vers l'étranger, sans promesse d’emplois.
>>Dans tous les systèmes de production, même ceux mis en œuvre par les agriculteurs familiaux, les économistes ne s’occupent que de la productivité du travail immédiat sans tenir compte de cette décapitalisation de l’écosystème, ce sont des valeurs perdues. Il est nécessaire d’assurer la rémunération des agriculteurs pour qu’ils protègent l’environnement, la reconversion doit être rémunérée.
«Les agricultures du Tiers-monde doivent produire davantage plutôt que d’attendre l’apport des excédents de nos pays. Il y a toute possibilité aujourd’hui de nourrir dix milliards d’hommes sur ce monde. Mais à condition d’obtenir de meilleures répartitions des revenus et des moyens de production. Pour résoudre cette question il n’y a pas d’autres solutions que la protection de l’agriculture vivrière par les prix. C’est à dire que les gens aient une rémunération suffisante pour passer de la houe à la traction animale et de la traction au petit motoculteur.»
>>>C’est l’économie de marché qui a amené l’agriculture française à perdre son caractère paysan, les conditions dans lesquelles la paysannerie française a évolué, malgré les protections ont éloigné les agriculteurs des consommateurs (et de leurs besoins). Bien que familiale, cette agriculture a perdu son caractère artisanal et de qualité.
Parallèlement des agriculteurs n’ayant pas accès aux intrants trop onéreux (à base d’hydrocarbures) retrouvent une agriculture organique.L’agriculture paysanne peut protéger les écosystèmes avec le système de polyculture élevage. L’élevage fermier de haute qualité doit être valorisé, le consommateur averti acceptera de le rémunérer. Une alliance entre les groupements de consommateurs et les syndicats paysans doit s’opérer dans les quartiers, dans les campagnes ; on parle aujourd’hui de consommer localement, la crise énergétique et écologique aidant.
L’éducation pour modifier le paysage français
>>>Produire et consommer pour vivre au pays, c'est maintenir des relations de proximité, donc d'une autre façon rémunérer l'agriculture. Marc Dufumier propose dans la réorientation de la PAC en 2008 de transférer les aides et subventions de la PAC à la restauration collective, afin que celle-ci puisse accroître la demande en produits de qualité et permettre ainsi une meilleure rémunération des agriculteurs concernés (via une hausse des prix). Les couches les plus modestes qui fréquentent davantage la restauration collective (écoles lycées hospices, restaurant d’entreprises) auraient ainsi accès à une alimentation de qualité sans frais supplémentaires. On pourrait commencer par les écoles primaires car l’éducation au goût permettrait ainsi d’améliorer en profondeur les habitudes alimentaires des français.
Promouvoir une agriculture paysanne, durable et solidaire pour davantage d’autonomie et mieux répondre aux enjeux sociétaux !